Editorial

J’ai le grand plaisir d’introduire la nouvelle livraison de notre bulletin. Elle est particulièrement consistante parce qu’elle constitue une sorte de compte rendu en même temps qu’un prolongement d’une journée que l’ASES avait coorganisée en octobre dernier sur les transformations de l’enseignement supérieur.

On pourra lire dans les différents textes que nous avons réunis les différentes ambitions que porte l’ASES. Nous poursuivons d’abord notre contribution au débat sur les transformations des politiques d’enseignement supérieur et de recherche, qui nous malmènent et nous mettent en difficulté, que ce soit pour les doctorants et docteurs précaires ou pour les collègues titulaires qui doivent faire face à des charges d’activité et à des situations toujours plus difficiles à gérer avec les étudiants, les enseignants vacataires et l’arbitrage entre leurs activités administratives, d’enseignement et de recherche. Même si tous les adhérents de l’ASES et tous les abonnés à la liste sont loin de partager une position commune sur les solutions possibles, il me semble qu’un accord peut se faire sur ce constat accablant de politiques menées en dépit du bon sens et très dangereuses pour l’avenir du service public d’enseignement et de recherche que nous défendons tous.

Mais l’ASES porte aussi l’idée que nous devons intervenir en nous appuyant sur les outils de connaissances sociologiques que nous possédons, que nous transmettons aux étudiants et que nous utilisons dans nos travaux de recherche. Ce qui nous contraint à faire preuve de réflexivité, à nous interroger sur le sens de ce que nous faisons lorsque nous enseignons, et aussi lorsque nous organisons la pénurie. Nous devons ainsi nous rendre compte que nous sommes pris dans des contradictions sans fin, que nous réglons en pratique au quotidien. Mais comme certains d’entre nous sommes spécialistes de sociologie des mobilisations, nous devons aussi nous demander ce qui explique l’atonie générale de notre milieu professionnel face aux attaques perpétuelles dont il est victime. Le plus facile serait finalement de renoncer, de faire porter la responsabilité de l’incontestable échec des mobilisation sur les collègues blasés et cyniques, revenus de tout, croyant peut-être qu’ils vont s’en sortir seuls au nom de leur « excellence » scientifique supposée ou bien réelle, ou encore totalement désillusionnés et enclins à «l’exit» ou au silence, moins coûteux.
À l’ASES, et tout particulièrement dans son Conseil d’administration, nous nous refusons à baisser les bras, même si nous sommes parfois fatigués devant la faiblesse du nombre de collègues présents lors des dernières manifestations ou si nous nous étonnons de la non-conscience de certains d’entre eux devant ce qui se passe et se prépare. Ne croyant pas aux incantations concernant la grève générale (mais soutenant les mobilisations locales qui existent ça et là et dont on peut d’ailleurs estimer qu’elles connaissent un véritable essor), nous pensons qu’encore et toujours, nous devons informer, donner à connaître la réalité de la situation. C’est ce que nous avons fait en janvier dernier avec d’autres associations professionnelles, en particulier l’AFS, l’AESCP et l’ANCMSP, autour des recrutements (nous en proposerons bientôt un compte rendu).
Par là, nous ne voulons pas désespérer les collègues et ceux qui, avec un très grand courage et une énergie revigorante, font tout pour entrer dans notre milieu professionnel, mais bien au contraire produire ensemble des armes qui nous permettront de nous opposer aux régressions que nous vivons aujourd’hui, et peut-être aussi de proposer, le moment venu, des linéaments pour une autre politique d’enseignement supérieur et de recherche.

Laurent Willemez, président de l’ASES