Communiqué de Pour Paris 8 et de la section science politique de Paris Ouest à la Présidente de l’Université Paris 8 et au Président de l’Université Paris Ouest Nanterre
Communiqué de Pour Paris 8 et de la section science politique de Paris Ouest à la Présidente de l’Université Paris 8 et au Président de l’Université Paris Ouest Nanterre
le 24 avril 2014
Le choix est clair désormais !
Le jargon ministériel de Madame Bonnafous, dans les lettres qu’elle a adressées aux Présidents des universités Paris 8 et Paris Ouest Nanterre, à propos du volet les concernant dans la politique de site, admet avec une clarté confondante ce que nous sommes nombreux à affirmer depuis des mois. Mieux que n’importe laquelle de nos analyses circonstanciées, ses « lettres d’attention » (et quelle attention vous nous portez, Madame, avec ce néologisme - ou cette coquille ? - pleine d’empathie !) dévoilent ainsi à quiconque prendra le temps de lire cette prose indigeste ce que la DGESIP et ceux qu’elle sert ont en tête quand ils parlent de « politique de site ».
Madame Bonnafous est déjà passée de l’autre côté du miroir et ne s’embarrasse plus, comme certains de nos président(e)s, de vaines prudences et d’inutiles précautions. Elle est directe et dit les choses sans ambages. Après cette missive comminatoire, personne ne pourra plus douter que le passage à la Communauté d’universités (COMUE) ne se fera pas sans dégâts (et des dégâts qui seront loin d’être seulement collatéraux). Personne ne pourra plus penser que les universités composantes de la COMUE choisiront librement ce qu’elles mettront en commun, qu’elles décideront des prérogatives qu’elles transféreront, qu’elles maintiendront tout ce qu’elles décideront de maintenir dans leur offre de formation.
A titre indicatif, les lettres adressées à Paris 8 et Paris Ouest nous indique au moins cinq points cruciaux (le temps grammatical dominant de l’énoncé étant à chaque fois un futur simple qui ne laisse aucun doute sur la marge de dialogue qui demeure par rapport aux propositions ministérielles).
- Les masters seront « harmonisés » notamment dans les domaines des arts du spectacle, de la psychologie, de l’information et de la communication, des humanités numériques. On peut déjà imaginer ce qui est envisagé derrière ce mot d’harmonisation.
- La plupart des Ecoles doctorales (ED) seront « reconfigurées » : on ne voit pas trop comment cela n’impliquerait pas des fusions d’ED – fusions auxquelles les présidences des deux universités ont promis pourtant de ne pas procéder. En outre, « à terme », un « doctorat de la COMUE » sera créé, sans qu’il soit précisé si ce doctorat nouveau se substituera ou non aux doctorats existants…
- Le nombre de doctorants non financés devra être diminué très fortement, notre taux étant d’après la DGESIP « très au-delà des limites acceptables » : on ne sait trop pourquoi cette exclusion de centaines, voire de milliers, d’étudiants des troisièmes cycles universitaires serait un exemple de « bonne pratique ».
- Les choix en matière d’« innovation » se feront « conformément aux engagements de la COMUE », comme si ceux-là seuls comptaient. On remarquera en passant que le terme de « recherche » ne fait plus partie du lexique ministériel : il est absent de ces quatre pages d’injonctions, si ce n’est sous la forme d’un appel pressant à la « valorisation » sonnante et trébuchante de ladite recherche.
- L’université sera priée d’accroître très vite ses ressources propres, ce qui donne une idée de la valeur des promesses de manne financière liées au passage à la COMUE…
On en viendrait presque à remercier Madame Bonnafous d’avoir écrit si haut ce que d’aucuns s’obstinaient à habiller, tout bas, de mots encore acceptables. La situation est en définitive plus grave que celle que nous décrivions dans nos textes précédents. Non seulement le passage à la COMUE s’annonce comme un processus engageant des transferts de compétences beaucoup plus importants – et plus rapides – que ceux qui ont été annoncés, non seulement devrait advenir dans ce cadre une modification substantielle de la carte des formations, mais ce processus se fera sous la férule d’un Etat qui en l’occurrence est moins « stratège » et « régulateur » qu’autoritaire et punitif.
Que reste-t-il de l’autonomie universitaire dans tout cela (nous entendons parler ici de cette autonomie scientifique et pédagogique qui fonde l’existence même de toute université) ? Que reste-t-il d’ailleurs même de cette autre autonomie qu’on nous avait octroyée ? Les « responsabilités et compétences élargies » sont devenues des « responsabilités et compétences rétrécies » par la caporalisation ministérielle. Au désastre annoncé et à l’austérité imposée par la gestion mécaniquement déficitaire de la masse salariale, viennent désormais s’ajouter des modes de gouvernement toujours plus autoritaires, l’interventionnisme des cabinets, le chantage financier de l’Etat et la destruction dans la COMUE de ce qui demeure de démocratie universitaire. Comment imaginer que les directions de nos universités restent inertes devant la morgue et le cynisme d’une telle attitude de la part de leur tutelle ?
Mais comment imaginer surtout que même les trésors de dialectique, les omissions plus ou moins volontaires et la ritournelle usée sur l’absence d’alternative puissent suffire désormais à convaincre une majorité des membres des conseils d’administration de s’engager dans une telle voie ? Comment ne pas préférer à ce monstre froid bureaucratique piloté d’en haut, toujours plus vertical et soumis aux ordres ministériels, la structure horizontale et souple de l’association d’universités, fondée sur le dialogue entre partenaires et la recherche de consensus ?
Le choix est aujourd’hui clair et chacun peut le mesurer. Celles et ceux qui, dans les instances de nos deux universités, voteront en faveur de la COMUE, se verront bientôt, de gré ou de force, imposer les pratiques, les propositions et les horizons fixés par la lettre de Madame Bonnafous.
5 mai 2014