Communiqué du Collectif des travailleur.e.s précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche concernant la campagne de recrutement au CNRS de 2017
Cette année, le jury d’admission de l’INSHS a procédé à plusieurs déclassements, reclassements voire suppressions de postes dans les sections 32, 35, 36 et 39 du CNRS. Sont passés sur des listes mails professionnelles des messages s’indignant, à juste titre, de la remise en cause du travail du jury d’admissibilité. Ces pratiques s’inscrivent dans une casse des procédures de recrutement des concours de la fonction publique dont ceux de l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) ne sont pas les seuls à faire les frais. Par leurs justifications, ces déclassements expriment une fois de plus un développement nocif vers l’ « excellence » qui participe au retrait de l’égalitarisme dans l’ESR. Enfin, toute l’affaire relève surtout d’un problème cardinal : le manque de postes.
Le Collectif des travailleur·e·s précaires de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont une majeure partie de ses membres est candidat·e ou futur·e candidat·e à ces concours, est en premier lieu concerné par la remise en cause du fonctionnement collégial et par ce manque de postes. Et pour les « candidat·e·s malheureux·ses » la violence de ces déclassements ou de la non obtention d'un poste après des années de sacrifices est sans commune mesure avec celle que semblent exprimer les membres des différents jurys d’admissibilité. S’il semble que cela soit une première au CNRS, nous, précaires-chômeurs·es-
Ainsi, les critères retenus pour intervenir dans le classement ont été l’ « excellence » et l'envergure internationale sans que les moyens de les atteindre ne soient donnés aux doctorant.e.s : une recherche internationale et des publications en langue étrangère (pas qu'en anglais d’ailleurs) nécessitent davantage de financements et d'une durée plus longue que les trois ans d’un contrat doctoral ou d’une bourse de thèse qui sont la règle. Tandis que la situation d’après-thèse ne s’améliore pas : les contrats postdoctoraux de plus en plus courts exposent les candidat.e.s à des pressions terribles qui sont la cause de sur-exploitation et d’épuisement.
Faire de l'international est donné uniquement aux personnes qui peuvent en assumer le coût financier (payer deux loyers) et humain (réussir à gérer l'éloignement des proches et être en mesure de s’insérer dans un nouvel environnement social). Ce coût reste bien trop élevé pour de moins en moins de postes mis au concours au point que seules les personnes bien dotées au départ peuvent raisonnablement espérer les assumer. De plus, l’exigence de l’ « excellence » est souvent une exigence au conformisme qui défavorise les sciences sociales critiques : pratiquer certaines approches, citer certain.e.s auteur.e.s, publier dans certaines revues, proposer certains enseignements, etc.
L’ESR est déjà à la pointe de l’« ubérisation » puisqu'il exige cette extrême flexibilité de ses salarié·e·s actuel·le·s et même de ses prétendant·e·s tout en se soustrayant à ses responsabilités de financement. On note, en revanche, que les financements de la recherche par projet et de l’enseignement par contractualisation ou vacation ont le vent en poupe. Ces pratiques participent de la disparition de la vocation de service public de l’ESR au profit de pôles universitaires en concurrence dont la seule perspective de « l’excellence » est un cache-sexe pour justifier la disparition des financements.
Face à la rareté des postes, la transparence à tous les niveaux doit être la norme, sans qu’il n’y ait possibilité de transiger. Nous demandons que soient rendues publiques les procédures de sélection des jury par des critères les plus objectivables possibles ainsi que les classements, ce depuis les recrutements de doctorant·es contractuel·les jusqu’à ceux de professeur.e.s en passant par les postdocs ou les atérats. Cette exigence est une condition indispensable.
C’est donc au sein d’un contexte de précarité galopante au sein de l’ESR que nous replaçons ces évènements récents et nous invitons nos collègues titulaires de le faire également davantage. Nous demandons qu’une réflexion soit menée non seulement sur la question de l’autonomie scientifique, mais aussi sur la déontologie des recrutements – une réflexion qui doit se manifester dans des pratiques concrètes. Nous appelons nos collègues titulaires à rompre avec la quête de « l’excellence » qui, parfois, peut être partagée par une partie des voix qui s’élève actuellement contre la décision du jury d’admission de l’INSHS. La charte de la désexcellence, développée par des collègues belges, propose déjà un certain nombre de mesures pour « dépolluer » les pratiques académiques. C’est une piste prometteuse à suivre.