La loi Fioraso trahit l'université

TRIBUNE Dans le cadre de la loi Fioraso sur l'enseignement supérieur, un amendement adopté au Sénat désorganise totalement le statut de chercheur.

Par l’ASSOCIATION DES ENSEIGNANTS-CHERCHEURS EN SCIENCE POLITIQUE (AECSP), l’ASSOCIATION FRANÇAISE DE SOCIOLOGIE (AFS), l’ASSOCIATION DES SOCIOLOGUES ENSEIGNANTS DU SUPÉRIEUR (ASES)

Le 24 juin 2013.

Après le vote de la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche de la ministre Geneviève Fioraso au Sénat, la communauté scientifique est abasourdie et ulcérée. En effet, un amendement proposé par le groupe écologiste qui permet à une université de recruter un enseignant-chercheur sans que ce dernier n’ait été qualifié par une section du Conseil national des universités (CNU) a été adopté dans la nuit de vendredi à samedi. Or, en allant dans cette direction, c’est toute la gestion et l’organisation nationale de l’activité des scientifiques qui est abandonnée.

La procédure de qualification du CNU permet de garantir la qualité des thèses soutenues dans l’ensemble des universités françaises et d’évaluer les activités scientifiques et pédagogiques pour un poste d’enseignant-chercheur dans une discipline universitaire, à partir de critères d’évaluation équivalents pour l’ensemble des candidats et fixés par la communauté scientifique elle-même. Avec la suppression de cette évaluation nationale – en totale contradiction avec la multiplication des procédures d’évaluation inutiles que l’on nous impose par ailleurs – les universités et leurs instances administratives seront libres de déterminer les critères de recrutement des nouveaux collègues. Le risque sera donc grand de voir s’aggraver le localisme, c’est-à-dire de voir se multiplier les recrutements qui devront moins à la qualité d’enseignant et de chercheur du candidat sélectionné, qu’à des jeux d’arrangements politiques et de petites faveurs personnelles.

Alors que le projet de loi présenté par le gouvernement souffre d’un manque flagrant d’ambition et rend impossible la rupture demandée avec la loi LRU de Valérie Pécresse, cet amendement ne contribue pas seulement à remettre un peu plus en cause le statut des enseignants-chercheurs et le cadre national de l’université publique. Il menace aussi directement la qualité de l’enseignement et de la recherche qui y sont pratiquées aujourd’hui. C’est pourquoi l’Association des enseignants chercheurs en science politique (AECSP), l’Association française de sociologie (AFS) et l’Association des sociologues enseignants du supérieur (ASES) exigent que la commission mixte paritaire qui se réunit mercredi retire cet amendement. Elles comptent sur le sens des responsabilités et des réalités de chacun des parlementaires. Elles rappellent qu’elles souhaitent aussi la suppression de l’agence d’évaluation AERES au profit de la création d’une nouvelle instance paritaire et démocratique.