« Le nombre d'établissements en déficit fait peser un risque sur la soutenabilité du programme 150 » (Cour des comptes)
« Le nombre d'établissements d'enseignement supérieur accusant un déficit sur l'exercice 2011 fait peser un risque sur la soutenabilité du programme 150 » de la Mires, affirme la Cour des comptes dans son rapport sur « Les résultats et la gestion budgétaire de l'État pour 2012 », rendu public le 28 mai 2013. « Cette situation est en partie liée à une maîtrise insuffisante de leurs dépenses de personnel par les établissements. » Ce rapport fait le point sur les mesures de régulation prises en cours d'année 2012 notamment pour financier la masse salariale. Il estime qu'à compter de 2013, la façon dont sont pris en compte le CAS Pensions et le GVT doit être clarifiée. Il constate également « une sous-consommation apparente des crédits de masse salariale » par les établissements. Enfin, il se penche sur le dispositif de suivi des universités en difficulté du MESR, notant qu'il « manque encore de réactivité ».
La Cour des comptes rappelle, dans son rapport sur l'exécution du budget 2012, que 7 universités étaient déficitaires en 2010 et 2011 (1) et 19 uniquement en 2011. Parmi ces dernières, 9 ont voté un budget en équilibre en 2012. Par ailleurs, 17 établissements avaient, en 2011, moins de 20 jours de fonds de roulement ou 10 jours seulement de trésorerie.
Selon elle, le risque qui pèse sur la « soutenabilité » du programme 150 (formations supérieures et recherche universitaire) s'explique notamment par l'augmentation de 5,5 % des dépenses de personnel entre 2010 et 2012, « malgré la légère diminution des emplois constatée en 2012 ». Cette hausse « ne dépend pas que des recrutements, mais aussi des repyramidages, des requalifications, de la politique indemnitaire ou du recours aux heures complémentaires, ainsi que de déterminants exogènes (CAS Pensions, point fonction publique, mesures générales et catégorielles…) », fait remarquer la Cour. « Or, les établissements ont des difficultés à prévoir correctement l'évolution de leurs emplois et de leur masse salariale sur l'année. » En particulier, ils n'ont pas produit de documents prévisionnels de gestion des emplois et des crédits de personnel (DPG), ni pour leur budget 2012, ni pour leur budget 2013, déplore la Cour qui note que « le MESR a indiqué que ce DPG devrait être mis en oeuvre au deuxième trimestre 2013 dans les établissements d'enseignement supérieur ».
Les mesures de régulation des crédits courant 2012 pour financer la masse salariale. S'agissant de la régulation des crédits en cours d'année 2012, le rapport indique que « deux mesures de fongibilité asymétrique (2) ont été prises pour un montant total de 280,73 M€ » pour financer la masse salariale des établissements passés aux RCEau 1er janvier 2012, et pour faire suite à l'ajout de cinq universités non prévues en LFI.
En outre, « la réserve de précaution (90,52 M€, hors crédits PPP) a été dégelée à hauteur de 75,1 M€ en fin d'exercice pour abonder les crédits de masse salariale des établissements ». Et « 4,5 M€ supplémentaires ont été pris sur la réserve au bénéfice des établissements d'enseignement supérieur privé ».
Enfin, « comme en 2011, le GVT solde des opérateurs du programme 150 n'avait pas été budgété au PLF 2012 : en fin d'exercice, une enveloppe de 10 M€ prise sur la réserve de précaution a été répartie en fonction du GVT solde positif constaté dans les établissements au titre de l'année 2011, sans que des crédits soient repris aux établissements ayant un GVT solde négatif » (AEF n°176140). « Une autre enveloppe de 8 M€ a été répartie proportionnellement à la masse salariale des personnels titulaires de chaque établissement en 2011 pour faire face à la progression de ces dépenses en 2012. »
Prise en compte limitée du CAS Pensions pour les universités passées aux RCE avant 2012. La Cour relève que les effets de l'augmentation du taux du CAS Pensions ont été pris en compte sur les crédits de masse salariale transférés aux établissements en 2012. « En revanche, pour les opérateurs passés aux RCE les années précédentes, la prise en compte a été limitée au périmètre de l'ex-titre 2 [dépenses de personnel] transféré, ce qui ne correspond pas à la réalité de l'assiette de CAS Pensions dépensée dans les établissements ». Ainsi, par exemple, les personnels titulaires recrutés sur des emplois gagés par des ressources propres échappent à l'actualisation du taux du CAS Pensions.
Clarifier la prise en compte de l'évolution du CAS Pension et du GVT. Le rapport estime que « la stabilisation progressive du périmètre des établissements passés aux RCE à compter de 2013 doit conduire à clarifier la façon dont sont pris en compte les déterminants exogènes d'évolution de la masse salariale des établissements autonomes au sein du titre 3 [fonctionnement] ». En effet, « si dans le contexte actuel il est admis que les opérateurs doivent internaliser les effets de certaines mesures dont la décision leur échappe en tout ou partie (augmentation du taux du CAS Pensions, GVT…), l'ambiguïté de la programmation conduit depuis deux ans à financer en gestion [autrement dit en cours d'année] des paramètres qui n'étaient pas budgétés initialement (abondement partiel du GVT solde positif notamment) ».
Écart entre la notification des crédits de masse salariale et la loi de finances initiale. Le rapport constate un différentiel positif de 52,8 M€ entre les crédits de masse salariale notifiés aux établissements passés aux RCE entre 2009 et 2012 et les crédits prévus en loi de finances initiale. Ce décalage a été compensé par un redéploiement de crédits de fonctionnement, pratique que la Cour considère désapprouve parce que « les universités seront amenées à réaliser des économies de fonctionnement dans le cadre de la programmation triennale 2013-2015 et que les possibilités de redéploiement s'en trouveront de ce fait même limitées ». Dans sa réponse, « le MESR a indiqué qu'à compter de 2013, 'l'objectif à terme est de totalement résorber ce décalage'. » À noter que pour 2013, la Cour note que « l'écart entre l'évaluation des notifications définitives et la LFI est estimé à 55,04 M€. »
Sous-consommation apparente de la masse salariale. Par ailleurs, « comme l'année précédente, les premières données issues de la paye à façon font apparaître en 2012 une sous-exécution globale d'environ 190 M€ des dotations de masse salariale notifiées aux établissements », affirme le rapport. En effet, dans son rapport sur l'exécution du budget 2011, la Cour avait mis en lumière une sous-consommation des crédits de masse salariale de 202 M€ (AEF n°167282), constat qui avait été mis en cause par la CPU (AEF n°168214).
Cette année, elle précise que du fait « des divergences d'interprétation entre le MESR et la direction du budget », il est « impossible de tirer des conclusions fiables concernant un éventuel sur-financement », d'autant plus que les outils de suivi sont imparfaits. Le rapport 2012 fait aussi remarquer que les universités « ont tendance à glisser leurs emplois d'un plafond à l'autre entre 2009 et 2011. » De même, les crédits du plan licence ont été notifiés en masse salariale mais ont pu être utilisés autrement. Ainsi, au final, tout cela peut conduire à « une sous-consommation apparente des crédits de masse salariale ». De même, à l'inverse, « la surconsommation du plafond de masse salariale État par quelques établissements doit être interprétée avec prudence », notamment car « une incertitude subsiste sur l'imputation des heures complémentaires. »
Loi Tepa. Le rapport fait également mention des « remboursements dus aux établissements au titre de la réduction des cotisations salariales sur les heures supplémentaires (loi Tepa) » qui sont évalués à 29,5 M€ sur 2013 : « Une créance de 14,8 M€ au titre des heures supplémentaires payées par les établissements en 2011 n'a pas pu être remboursée par le ministère, et le montant prévisionnel des factures payées par les établissements en 2012 s'élève à 14,7 M€. »
Les causes des difficultés selon le suivi du MESR. Pour aider les universités en difficulté, le MESR a mis en place un « dispositif de suivi, d'alerte et de remédiation » qui s'appuie sur un tableau de bord comprenant 28 indicateurs et propose un diagnostic « flash » ou un diagnostic approfondi des universités. Les premiers travaux « ont permis d'identifier les principales causes de difficultés :
- l'impact des travaux de régularisation comptable entrepris dans le cadre du passage aux RCE, qui ont pu entraîner une diminution du fonds de roulement net global ;
- une dérive de la masse salariale ;
- une politique d'investissement insuffisamment financée ;
- un patrimoine important, à l'origine de coûts de fonctionnement ou de remise aux normes excessifs ;
Un dispositif qui manque de réactivité. Ce dispositif de suivi devrait permettre au MESR « de mieux anticiper les risques et de réagir plus rapidement en cas de déficit constaté », mais il « manque encore de réactivité » : « Au début du mois de février 2013, la Dgesip ne savait pas combien d'établissements avaient voté un budget primitif 2013 en déséquilibre, alors que cette information devrait faire l'objet d'un signalement immédiat des rectorats ». En outre, malgré des « diagnostics très complets » de l'IGAENR, « la mise en oeuvre concrète de plans de retour à l'équilibre reste assez imprécise : sur les sept établissements ayant constaté un double déficit en 2010-2011, cinq ont encore adopté un budget 2012 en déséquilibre, y compris après une première décision budgétaire modificative ».
Par ailleurs, comme pour le suivi de la masse salariale, la Cour regrette l'existence de deux systèmes de suivi séparés, celui de la Dgesip et celui du Budget via les contrôleurs budgétaires en région : cela peut donner lieu à des « interprétations divergentes » et « ne facilite pas la caractérisation de la situation financière réelle de l'établissement ». Elle plaide pour plus de coopération et d'échanges d'informations entre les directions centrales, les rectorats et les contrôleurs budgétaires en région.