Marche forcée, éditorial de Libération du 10 juillet 2013
Marche forcée 10 juillet 2013 Libération
Sarkozy n'a pas seulement ruiné l'UMP, il a aussi réussi à mettre en faillite une bonne quinzaine d'universités. En cette fin d'année académique, l'affolante situation budgétaire de certains établissements d'enseignement supérieur résulte en effet mécaniquement des dispositions de la loi dite LRU votée en 2007 par la droite et dont l'objectif affiché était l'autonomie à marche forcée d'universités fusionnées. Pourtant, alors même qu'on constate l'ingouvernabilité des gros pôles présentés un peu vite comme des succès, tels Aix-Marseille ou Strasbourg, la gauche s'apprête, par une nouvelle loi, dite ESR, à prolonger plus qu'à contester cette logique. Si la loi Fioraso améliore assez nettement la représentativité des instances universitaires, notamment au profit des étudiants, elle inquiète à raison nombre d'enseignants-chercheurs qui redoutent de devoir réduire sensiblement l'offre d'enseignement. Plus profondément, la soumission à l'ordre économique du savoir, la philosophie utilitariste d'une loi dont l'article 4 évoque «la croissance et la compétitivité de l'économie», fait craindre l'écrasement de certaines disciplines par d'autres. Parmi les points positifs, il faut noter l'incitation à recruter en priorité des bacs pro pour les BTS, mais le renforcement des filières universitaires aurait été autrement plus fort si l'on n'avait encouragé davantage encore les classes prépas à recruter les meilleurs élèves, fut-ce pour tenter de vaguement améliorer leur scandaleusement faible mixité sociale. Preuve que la gauche n'est, hélas, toujours pas prête à renoncer à un enseignement supérieur à deux voire trois vitesses.
Sylvain BOURMEAU