Pourquoi ne nous voulons toujours pas du suivi de carrière ...

La CP-CNU a informé la communauté universitaire par un communiqué daté du 10 mars 2016 que la “procédure généralisée de suivi de carrière ne sera pas appliquée en 2016”.

Tout juste 15 jours avant l’ouverture de l’application ALYA, le ministère daigne informer nos collègues enseignant.e.s-chercheur.e.s (EC), déjà évalué.e.s par l’HCERES vague B (en premier lieu concerné.e.s par la mise en place du dispositif), qu’ils n’auront pas à constituer un énième dossier d’évaluation ce mois-ci. Les lignes de CV qu’ils ne cessent d’aligner dans leurs dossiers de demande de financements, d’avancement, de CRCT, etc. ne se retrouveront pas encore une fois rassemblées dans un nouveau rapport d’activité : les “publications dans des revues – avec ou sans – comité de lecture”, les “enseignements dispensés”, les ouvrages “parus” et “à paraître”, etc. ne devront pas être encore une fois recomptés. Ils ne seront pas transmis cette année au président de leur établissement. Celui-ci devra encore attendre un peu avant de pouvoir mobiliser (ou non) l’avis des sections CNU pour justifier les modulations de service qui guettent en cette période de restriction budgétaire massive.

Merci Mandon ? Non ! L’ASES (Association des Sociologues Enseignant.e.s du Supérieur), vent debout contre le “suivi de carrière” depuis bien longtemps, ne parvient pas à se réjouir de cette nouvelle. En effet, si la majorité des EC ne devra finalement pas se soumettre à ce dispositif, dont on connaît les possibles dérives sur nos missions, certains devront s’y plier dès maintenant . Alors même qu’aucun retour d’expérience n’a été engagé, voilà que le dispositif se déploie en mode dispersé et que des collègues seront très concrètement évalués – pardon, “suivis” et “accompagnés”.

Le moratoire n’est que partiel, or c’est l’esprit même du “suivi de carrière” qui pose problème. La CP-CNU nous informe dans son dernier communiqué qu’elle poursuit son “travail sur les modalités de mise en œuvre générale [du] dispositif”. Il nous semble que cette appréciation très technique du dossier tend à laisser de côté les revendications mêmes du SNESUP, particulièrement bien représenté à la CP-CNU : peut-on, dans le cadre du décret existant, garantir la confidentialité entre la section CNU et les candidat.e.s ? Qu’en est-il du principe même de volontariat en matière de suivi ? Comment pourrions-nous nous réjouir de cette poursuite partielle d’un moratoire qui, visiblement, nous oblige à répéter et défendre les principes que nous ne cessons, depuis 2009, de réaffirmer dans les centaines de motions, de communiqués et de slogans scandés depuis 7 ans… ? Faut-il se réjouir des voix brisées ? Comme des analyses désormais bien connues que le pouvoir politique nous oblige à ânonner, faute de rencontrer une oreille un tant soit peu attentive et intéressée ?

Merci Mandon ? Et bien, décidément, non ! Les mots ne nous manquent pas, mais l’indifférence de nos “représentant.e.s” nous consterne et attise notre impatience. Doit-on penser que ce simple report est encore une façon de gagner du temps ? En effet, 34 sections du CNU ont rejeté, souvent à l’unanimité, la mise en place du suivi de carrière ! Du côté de la base, une pétition, lancée par quelques collègues, rapidement soutenue par l’ASES, puis les syndicats (SupAutonome-FO, SNPREES-FO et SNESUP) a rassemblé près de 2 500 signatures. Pendant ce temps, l’Inspection générale l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (I.G.A.E.N.R.) écrit un rapport, connu des autorités depuis septembre 2015 et publié par le ministère il y a quelques jours, préconisant entre autres mesures destinées à déréguler encore plus nos statuts, carrières et missions, d’étendre le « suivi de carrière », de confier à « l’HCRES une mission d’étude sur les modalités de mise en œuvre de l’évaluation des EC » et de faire des expérimentations permettant de « moduler les services à la hausse »."

Ce que nous attendons de la CP-CNU, de nos élu.e.s, et en particulier de nos colistiers de la section 19, c’est de prendre une position solide et pérenne contre la mise en place du “suivi de carrière”. L’université française doit continuer d’exercer ses missions de service public d’enseignement et de recherche de la meilleure façon possible, et ce pour le plus grand nombre. La lutte contre la mise en place de cet énième dispositif bureaucratique délétère participe de ce projet.

Pour l’heure, nous accordons à Thierry Mandon, secrétaire d’Etat chargé de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche un encourageant “peut mieux faire” en assurant la CP-CNU, son président et nos collègues élu.e.s de tout notre soutien dans cette importante lutte défensive contre un nouvel effritement managérial de notre statut qui met à mal l’exercice du cœur de notre métier : transmettre des savoirs universels, mener des recherches de qualité, administrer nos établissements de façon démocratique. Nous nous tenons évidemment à leur disposition pour tout échange fructueux sur le sujet, comme nous le faisons déjà énergiquement avec les collègues, les syndicats, les associations professionnelles et le ministère.

Le CA de l’ASES (Association des Sociologues Enseignant.e.s du Supérieur) Paris, le 24 mars 2016

* https://www.youtube.com/watch?v=U55G_PiSFh0

pieces jointes