Communiqué de l'ASES - 1er juin 2018
Face à la montée des violences et des pratiques répressives, le C.A de l’ASES tient à exprimer son soutien plein et entier à celles et ceux - collègues de tous statuts, étudiant-e-s de nos universités, lycéen-ne-s - qui manifestent pacifiquement leur opposition à la loi ORE et qui font l'objet de répressions, souvent aveugles et disproportionnées, devenues de plus en plus systématiques (...)
Face à la montée des violences et des pratiques répressives, le C.A de l’ASES tient à exprimer son soutien plein et entier à celles et ceux - collègues de tous statuts, étudiant-e-s de nos universités, lycéen-ne-s - qui manifestent pacifiquement leur opposition à la loi ORE et qui font l'objet de répressions, souvent aveugles et disproportionnées, devenues de plus en plus systématiques. À n'écouter aucune des protestations légitimement soulevées par la loi ORE, à criminaliser toute forme de mobilisation et à s'enfermer dans le déni et le discours technocratique, ce gouvernement et bien des responsables universitaires nous condamnent à une et une seule réponse : la répression. Cette répression révèle d’ailleurs le vrai visage de “l’autonomie” de façade des universités, car l’Etat n’hésite pas à les mettre sous tutelle pour contourner toute contestation interne[1]. Ils attisent et légitiment ainsi une dangereuse montée de la violence dans nos univers professionnels, parfaitement inadmissible et désolante.
Le C.A de l’ASES espère également que les préconisations formulées par le rapport de l'IGAENR[2] recommandant des sanctions à l'encontre du doyen de la faculté de droit de Montpellier suite aux violences qui ont eu lieu, dans la nuit du 22 au 23 mars 2018, sera effectivement suivi d'effets.
En outre, le C.A de l’ASES s'inquiète particulièrement du sort réservé à deux collègues sociologues nantais (Marie Charvet et Gildas Loirand), menacés de sanction disciplinaires et peut-être même poursuivis judiciairement pour des faits de violence qui ne sont, à ce jour, aucunement avérés[3].
Enfin, que certain-e-s collègues se félicitent sur des listes de diffusion du passage à tabac d'un collègue de l'EHESS, qu'un président d'université profère des menaces de mort à l'encontre d'un étudiant, que la délation ou la mise à l'index soient devenues monnaie courante ne peut que nous inquiéter et nous indigner.
Le C.A de l’ASES réaffirme donc son opposition à la loi ORE et à la mise en place de Parcoursup, soutient les collègues qui mènent la lutte et condamne fermement les répressions de toute nature.
Le CA de l’ASES.
________________
[1] Cf. Communiqué de Sud éducation Paris et de Sud éducation Paris 1 suite à la mise sous tutelle des UFR de philosophie de Paris 1 et de cinéma et espagnol de Paris 3. Cf. http://sudeducation75.org/IMG/
[2] Intrusion et faits de violence perpétrés dans un amphithéâtre de l'UFR droit et science politique de l'université de Montpellier, Rapport IGAENR n° 2018-036, mai 2018
[3] Cf. Page suivante le témoignage intégral de Gildas Loirand qui nous a été transmis par voie électronique.
Témoignage de Gildas Loirand reçu par courriel :
Bonjour,
Je suis l'un des enseignants-chercheurs mis en cause par le président de l'Université dans divers médias depuis vendredi dernier.
Si je fais l'objet d'une accusation de "violences physiques", c'est précisément parce que j'ai très vite pris la mesure de l'exposition des personnels administratifs à un danger et/ou à un risque et que je suis précisément intervenu avec ma collègue, non sans succès, pour calmer les ardeurs étudiantes. J'ajoute que si je ne me suis jamais personnellement senti en danger en m'interposant corporellement entre étudiants et administratifs, je témoigne ici que les personnels de la présidence étaient clairement placés en situation d'insécurité et que, non formés ni préparés à vivre une telle situation, il ne pouvaient que cultiver le sentiment d'un risque de péril éminent. A ce titre, et de la même manière qu'ils en ont bénéficié en actes devant le Pôle vendredi, ils ont mon entier soutien. Ma compréhension à leur égard est totale, même si je regrette que leur vision des choses perturbée par la situation de tension qu'ils vivaient les ait amenés à considérer que j'étais l'un des auteurs des faits pour lesquels ils ont manifestement déposé plainte (je n'en ai pas confirmation). En conséquence, soyez assurés que je ne minore ni ne conteste en aucune manière la réalité de la situation de tension observée, celle-ci étant faite de cris, de slogans et de mouvements des corps mais pas d'insultes et encore moins de coups et de bousculades, ma collègue ayant de surcroît demandé aux étudiants présents - et obtenu sur le champ - qu'il reculent s'ils voulaient obtenir une réponse à la question qu'ils posaient de manière très véhémente. Pour poursuivre ce témoignage, je vous assure que nul des personnels mobilisés que je fréquente et apprécie depuis plusieurs mois n'a manifesté son soutien ou son approbation au chahut et à l'encerclement dont ont fait l'objet les administratifs concernés. Pour autant, je confirme avec force que je n'ai constaté aucune "violence physique". Si tel avait été le cas, sachez que j'aurai immédiatement recouru, comme je l'ai déjà fait et le ferai encore à l'occasion, aux dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale qui impose à tout fonctionnaire de signaler sans délai au procureur de la République tout crime ou délit constaté dans l'exercice de ses fonctions.
Quoi qu'il en soit je peux vous assurer, comme en témoigne aussi Gilles Tronchet, que nul personnel mobilisé contre la loi ORE et Parcoursup n'a jamais minimisé ou réfuté la souffrance des personnels soumis aux récriminations bruyantes et excitées des étudiants. Et penser que le président a lui-même contribué par son action à exposer les personnels aux faits dont ils ont été in fine victimes ne revient pas, loin de là, et au contraire même, à affirmer que ces faits ne se seraient jamais déroulés. En sociologue que je suis, je "comprends" tout à fait que les étudiants s'étant fait confisquer ou saisir leur carte d'étudiant aient pu exprimer avec vigueur la volonté d'en connaître les raisons. Mais cette "compréhension" analytique ne signifie pas que j'accorde des excuses à la modalité d'expression choisie. Soyez-en persuadés.
Les doutes sincèrement exprimés sur "infostertre" par quelque collègues, sachez-le, ajoutent à l'anxiété et au désarrois absolu dans lesquels je suis aujourd'hui placé. Et l'idée exprimée en creux que je puisse mépriser la souffrance et les difficultés des personnels intimidés lors
du triste épisode de vendredi dernier m'est difficilement acceptable. C'est la raison pour laquelle je me suis autorisé cette mise au point. Je suis moi aussi en arrêt pour "accident du travail" et ai, comme les personnels qui ont déposé plainte, pris contact avec la cellule d'aide
psychologique ouverte en avril par le président. Je ne vais pas ici faire la liste de mes titres d'honorabilité universitaires, mais non, je n'ai pas grand chose à voir avec le portrait du trublion que tendent à dessiner en filigrane les allégations de notre présidence. Cette présidence qui d'un côté me fait savoir que les "faits ne sont pas établis" tout en se permettant, de l'autre, de poursuivre dans la presse et à la télévision ses accusations d'agression et de violences physiques à l'encontre de deux enseignants bien évidemment non nommés aux fins de limiter les risques de mise en cause pour diffamation et pour dénonciation calomnieuse.
Sachez qu'à mes yeux, et delà de ma personne et de celle de ma collègue encore plus affectée que moi et désormais convoquée à la présidence pour explications, c'est le corps enseignant de notre université tout entier et l'université elle-même qui est atteinte dans son honneur et sa réputation.
Concernant les "témoignages attendus", ceux-ci sont nombreux sur les réseaux sociaux étudiants et une vidéo en ligne montrant le déroulé des faits existe. Je vous suggère toutefois de solliciter le témoignage de M. Tanguy Le Clec'h, chef de la sécurité, qui était présent sur les lieux. Au constat que nous étions parvenus à mettre un terme aux risques
de débordements, il a pris la bonne décision qui s'imposait, celle consistant à demander aux force de l'ordre intervenues de remonter dans les fourgons. Ce qui a été fait sur le champ. Au passage, je l'ai invité à constater à mes côtés que les policiers intervenus (comme précédemment à la Trocardière) ne portaient pas de manière visible leur matricule RIO, en infraction manifeste avec les règles qui régissent leur profession.
Ma manière de servir en fonctionnaire responsable a toujours été attentive au respect le plus profond tant des personnels que des usagers qui sont notre matière première par excellence. Ce que je vis aujourd'hui m'affecte profondément et très douloureusement. Rien ne sera jamais plus pour moi comme avant et le préjudice que j'estime subir est immense. Je ne resterai donc pas sans réagir sur le terrain pénal et civil. Et il n'y a sans doute pas de raisons à ce que je sois exclu de la sollicitude manifestée à l'adresse des personnels administratifs soumis aux foudres des étudiants. Je souffre aussi énormément, convaincu que ni ma collègue ni moi avons commis ce qui nous est manifestement reproché.
Bien cordialement.
Gildas Loirand
Bonus :
Un lien vers la séquence prise en image ici (deux vidéo) :
https://www.youtube.com/watch?
https://www.youtube.com/watch?
Un lien vers l’une des accusations médiatiques du président :
https://www.francebleu.fr/info
Un lien vers la reculade de France 3 qui commence à sentir le vent du boulet de la diffamation (dans le milieu, un extrait de son passage à l'émission "Dimanche politique" de F3 :
https://france3-regions.france