La désobéissance en marche ! Point sur les motions et les refus de sélectionner
- Motion adoptée par le département SESS de l'UPEC (Université Paris Est Créteil du Val de Marne)
- Motion du conseil d'UFR de Lettre et Langues de l'Université de Poitiers le 1er mars 2018
- Motion du conseil d'UFR de Sciences Humaines et Art de l'Université de Poitiers le 8 mars 2018
-
Département de sociologie-géographie de l'Université Versailles Saint-Quentin (UVSQ) (24 février 2018) - Refus de siéger dans le jury d'admission, refus d'appliquer la sélection.
-
Motion du département de Sociologie, UFR LSHS de l’Université de Bretagne Occidentale, Brest 27 février 2018 - Refus de contribuer au traitement des dossiers des lycéens
-
Motion du Conseil de département de Sciences Sociales, Université Paris 7, 23 février 2018
-
Motion portée par des membres du laboratoire Sophiapol contre le dispositif de sélection à l'entrée à l'université, Nanterre
-
Motion du département de sociologie de l’université d’Evry Paris-Saclay : opposition totale à la réforme en cours « Parcoursup ».
Voir également le site de Sauvons l'Université (SLU), également engagé dans le décompte des UFR et des universités refusant de trier les étudiants :
- Motion adoptée par le département SESS de l'UPEC (Université Paris Est Créteil du Val de Marne)
A la suite de la motion votée par le Conseil d'administration de l'Université Paris-Est Créteil du Val-de-Marne lors de sa séance du 9 février 2018, qui réaffirme son attachement au libre accès des bachelier.e.s à l'enseignement supérieur public, le Département des Sciences de l'éducation et des sciences sociales est en désaccord avec les orientations contenues dans la loi relative à l'orientation et la réussite des étudiants. En particulier, le Département a décidé de ne définir ni attendus locaux, ni critères de sélection, afin de ne pas induire une concurrence malsaine entre établissements franciliens proposant une filière de formation similaire. Le Département des Sciences de l'éducation et des sciences sociales estime qu'une augmentation des capacités d'accueil en licence, en l'absence d'emplois pérennes, revient à accroître la charge de travail des personnels enseignants et administratifs en poste, alors même que la dégradation des conditions de travail est préoccupante depuis plusieurs années.
- Motion du conseil d'UFR de Sciences Humaines et Art de l'Université de Poitiers le 8 mars 2018
Dans la continuité de la précédente position votée le 21 décembre dernier par le conseil de l’UFR Sciences Humaines et Arts de l’Université de Poitiers, ce conseil réuni le 8 mars 2018, exprime son opposition à la loi dite « ORE » (« Orientation Réussite Etudiant ») adoptée le 15 février 2018. Le Conseil regrette profondément que les objectifs affichés dans le texte de loi, c’est-à-dire l’amélioration de l'orientation des étudiant.e.s et une meilleure efficacité par rapport à la plateforme APB, ne soient pas atteignables dans la mise en place de la loi, et ce pour plusieurs raisons : - En l'état, cette loi acte le dysfonctionnement du système d'orientation en France et ne représente pas une solution à ce problème mais un traitement de ses symptômes. - La faiblesse des moyens humains existants pour l'étude des dossiers ne peut que conduire à un traitement automatisé, sans étude suffisante sur le fond, totalement incompatible avec l'objectif de bonne orientation pourtant affiché. Telle qu'elle sera applicable, cette loi conduit à une forme d’orientation rigide et forcée, impliquant à la remise en cause d’un droit fondamental du code de l’éducation, celui pour tout bachelier et toute bachelière de pouvoir accéder aux études supérieures qu’il ou elle souhaite. - La précipitation dans laquelle est mise en place cette réforme présente de forts risques de dysfonctionnements techniques, aux conséquences majeures pour les candidats, comme pour l’ensemble du personnel impliqué. Le Conseil d’UFR ne saurait en outre accepter la concurrence entre filières et universités (selon leur situation géographique) que va renforcer la loi en associant directement formation et employabilité, le Sénat ayant obtenu que soient pris en compte pour les modifications des capacités d’accueil (en licence et en master) les taux de réussite et d’insertion professionnelle.
- Motion soumise au vote du conseil d’UFR de Lettres et Langue de l’Université de Poitiers le 1er mars 2018
Le conseil de l’UFR Lettres et Langues de l’Université de Poitiers, réuni ce 1er mars 2018, tient à faire part de son opposition à la loi dite « ORE » (« Orientation Réussite Etudiant ») adoptée le 15 février 2018 : il soutient le mouvement étudiant et en appelle à la mobilisation d’ampleur des étudiant.e.s et des personnels de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche pour demander le retrait de cette loi. Derrière cette loi votée en urgence et présentée comme permettant de régler un problème de tirage au sort (injuste mais concernant très peu d’étudiant.e.s) se dissimule la mise en place dans la loi de la sélection à l’entrée de l’université, donc la mise en cause d’un droit fondamental du code de l’éducation, celui pour tout bachelier et toute bachelière de pouvoir accéder aux études supérieures qu’il ou elle souhaite. Le conseil d’UFR s’oppose ainsi à
- la mise en place d’une loi concernant l’ensemble des étudiant.e.s au nom d’un problème (le tirage au sort) qui ne concernait qu’une filière (STAPS), soit en 2017 0,15% des étudiant.e.s de l’Université française recalés ;
- la manière dont cette loi instaure une sélection à partir d’ « attendus » définis par le ministère, déclinés localement (même si l’Université de Poitiers et quelques autres s’y sont opposées) en « pré-requis », qui constitueront des critères de sélection, donc d’exclusion de bachelières et de bacheliers, exclusion d’autant plus forte que les budgets seront serrés et que la direction d’établissement aura une politique d’« excellence » ;
- la manière dont ce dispositif va transférer aux universités des problèmes qui sont moins le fait de dispositif APB que d’une hausse prévue du nombre d’étudiant.e.s dans les Universités ;
- la réforme du bac sous la forme d’un bac modulaire avec des parcours constitués de modules validables étroitement corrélés aux attendus du supérieur et choisis dès la classe de seconde ;
- la concurrence entre filières et universités (selon leur situation géographique) que va créer la loi en associant directement formation et employabilité, le Sénat ayant obtenu que soient pris en compte pour les modifications des capacités d’accueil (en licence et en master) les taux de réussite et d’insertion professionnelle ;
- l’absence de moyens permettant aux universités de faire face à l’augmentation du nombre d’étudiant.e.s dans le supérieur (+280 000 étudiant.e.s de 2009 à 2015 pour 7147 postes de titulaires en moins). Ce désengagement de l’Etat, conséquence de la loi LRU, ne permet plus à la majorité des universités d’assurer leur mission de service public dans de bonnes conditions pour les étudiant.e.s et les personnels.
Comme l’écrivait une Tribune unitaire : « Aujourd’hui et demain, combattre la sélection à l’entrée de l’université » datée du 16 janvier 2018,
« La situation actuelle n’est pas tenable et doit évoluer mais avant tout par un investissement massif dans l’éducation, la création de places dans le supérieur, l’embauche de personnels titulaires et la mise à disposition de locaux. […] L’année dernière, plus de 17 000 jeunes se sont retrouvé·es sans solution d’inscription dans le supérieur. Cette situation ne s’explique pas tant par la faillite d’APB que par l’impréparation des gouvernements successifs face à la hausse démographique. Elle n’appelle pas une simple solution technique mais le choix politique de donner les moyens aux établissements d’accueillir les étudiant·es dans de bonnes conditions. Il faudrait pour cela deux milliards d’euros par an, soit dix fois plus que l’investissement proposé par le gouvernement pour cinq ans. Faute de moyens, le nombre d’étudiant·es qui resteront sur le carreau en 2018 est amené à exploser, avec un niveau de tension dans les établissements universitaires jamais atteint. »[1]
- Courrier de la présidente de Bordeaux III - pas de tri dans les filières qui ne sont pas en tension (5 mars 2018)
Chères et chers Collègues,
L’actualité est suffisamment chargée et mouvante pour que je m’adresse à vous afin de vous informer d’une prise de position de notre établissement. Elle concerne la mise en place de la plateforme de Parcoursup pour l’accueil des étudiants de première année à la prochaine rentrée universitaire (dans le cadre de la loi orientation et réussite des étudiants).
Comme vous le savez, les filières en tension dans notre université feront l’objet de capacités d’accueil limitées comme par le passé.
Pour les autres filières, nous avons collectivement décidé d’ouvrir largement nos capacités d’accueil (qui connaissent des niveaux de tension moindre) afin de répondre à la hausse démographique et d’accueillir tous les étudiants. Il a alors été proposé aux directions de département et d’UFR de ne pas procéder à un tri des candidatures d’étudiants, mais de classer tous les postulants ex aequo. Une demande en ce sens a été faite au ministère. La réponse a été négative au motif que la nouvelle plateforme Parcoursup ne le permettrait pas, ce qui nous imposerait d’opérer un classement des dossiers, quand bien même nous accueillerions tous les étudiants. Outre que l’argument ne peut nous convaincre, il nous paraît contre-productif de demander aux collègues enseignants et Biatss de l’établissement d’effectuer des tâches qui ne serviraient finalement à rien. Les uns et les autres ont suffisamment à faire sans que soient rajoutées des charges supplémentaires.
J’ai donc indiqué en CA ce mercredi 28 février et à la CFVU ce jeudi 1er mars la position politique de l’équipe présidentielle qui a été favorablement accueillie : nous n’effectuerons pas de classement des dossiers d’étudiants pour les filières qui ne sont pas en tension. Il en va d’une position à la fois éthique et pragmatique. J’ai prévenu immédiatement le Recteur ainsi que le conseiller de la Ministre de notre position. L’écoute a été favorable et nous attendons une réponse dans les jours à venir. Je remercie d’ores et déjà tous les acteurs du travail effectué pour la préparation de la rentrée dans ces difficiles conditions et vous tiendrai informés des suites données probablement dans les prochains jours.
Ce travail collectif nous a permis, pour préparer cette rentrée qui nous préoccupe, d’obtenir auprès du rectorat les moyens que nous avions chiffrés pour accueillir les étudiants à la rentrée. Après un temps d’échanges et de négociations, il nous a été attribué l’équivalent en masse salariale de 4 postes d’enseignants affectés à des départements ayant particulièrement besoin de forces nouvelles pour assurer le mieux possible la prochaine rentrée ; nous aurons aussi le financement des heures complémentaires correspondant à nos besoins nouveaux.
Ces divers points me semblaient suffisamment importants pour que je vous en fasse part au plus vite. Notre préoccupation principale reste que l’université s’ouvre largement à l’accueil du plus grand nombre dans un environnement de qualité, où chacun puisse trouver sa place.
Avec l’expression de mes cordiales salutations,
Hélène Velasco-Graciet
Présidente de l’université
Université Bordeaux Montaigne
PRéSIDENCE
- Motion du département de géographie-sociologie de l'université Versailles Saint-Quentin : refus de siéger dans le jury d'admission, refus de sélectionner
Après la motion votée par le département de sociologie le 14 janvier affirmant son opposition à la loi ORE, qui n'était pas encore votée, nous avons demandé à la direction de l'UFR des sciences sociales la tenue d'une assemblée générale rassemblant les personnels enseignants-chercheurs, enseignants, BIATSS et chercheurs départements de sociologie-géographie, d'économie et d'AES (représentant donc 4 mentions de licence). Cette AG s'est tenue le 19 janvier. Nous avons discuté de la réforme et décidé collectivement de refuser toute procédure de sélection (par vote).
Compte tenu des modalités d'application concrètes de parcoursup, que nous avons connues dans leurs détails uniquement après l'AG , nous avons décidé en sociologie de refuser de faire partie du jury d'examen des candidatures et de renvoyer toute la procédure de sélection au rectorat. Cette décision a été prise par vote. A la suite de ce vote, j'ai fait part des résultats du vote à la direction de l'UFR des Sciences sociales en lui demandant de prendre acte de cette décision et de la faire connaître à la direction de l'université.
Le vote, destiné aux enseignants-chercheurs, enseignants et chercheurs intervenant dans la filière de sociologie, leur demandait de se prononcer sur le refus de la loi ORE et sur les modalités d'action choisies pour la sociologie. Il a été lancé le vendredi 23 février, avec possibilité de voter jusqu'au 24 février 18 h.
La proposition suivante a été approuvée à l'unanimité des 17 votants (sur 20 destinataires) de la filière de sociologie :
Conformément à la décision de l'AG de l'UFR des sciences sociales du 19 février de ne pas appliquer de procédure de sélection prévue par la loi ORE et compte tenu du fait qu'il est obligatoire de classer tous les candidats, nous avons décidé de :
1 refuser d'être nommé dans un jury d'admission et/ou en démissionner (pour les inclus / fonction)
2 renvoyer au rectorat le soin de procéder à l'application de la sélection.
Bien cordialement,
Sylvie Vilter, Directrice du département de Sociologie-géographie
- Motion du département de Sociologie, UFR LSHS de l’Université de Bretagne Occidentale, Brest 27 février 2018
L’UFR LSHS de l’UBO de Brest connaît depuis plusieurs années des difficultés dues aux manques de moyens humains et matériels, et sur lesquelles nous avons déjà alerté par le passé. La mise en œuvre de la nouvelle offre de formation à la rentrée 2017, répondant aux exigences de l’arrêté du 22 janvier 2014, a mis en lumière ces difficultés. Notamment les UE de spécialisation progressive n’ont pas pu être mises en place comme prévu dans les maquettes. Un manque d’enseignant.e.s-chercheur.e.s et d’enseignant.e.s titulaires contraint certaines filières à multiplier le recours à des solutions inacceptables : modules prévus en présentiel délivrés en distanciel, enseignements non effectués, multiplication d’enseignant.e.s vacataires pour des enseignements généraux et non professionnels, accumulation d’heures « complémentaires », surcharge administrative, responsabilités pédagogiques non assurées, groupes de TD à 60 étudiant.e.s. Quand de tels arrangements s’appliquent aux études universitaires, comment peut-on prétendre favoriser la réussite des étudiant.e.s ? Et comment peut-on maintenir une recherche « d’excellence » ?
Nous ajusterons l’effectivité de l’offre à la capacité des charges des enseignant.e.s chercheur.e.s et Attaché..e.s temporaires d’Enseignement et de recherche affecté.e.s au département de sociologie.
À l’heure où s’impose une énième réforme soi-disant « ambitieuse » (réformes jamais évaluées), nous ne pouvons que constater la dégradation des conditions d’études et de travail de tous les personnels, parallèlement à la disqualification de l’Université. Les quelques moyens ministériels supplémentaires alloués provisoirement aux universités dans le cadre de la mise en œuvre de la loi ORE ne sauraient satisfaire les besoins quand ces moyens sont conditionnés à la pression exercée sur les personnels pour en faire toujours plus. Nous dénonçons notamment l’absence de concertation avec les équipes pédagogiques dans la définition des capacités d’accueil qui aujourd’hui s’imposent à nous sans que nous puissions en mesurer tous les effets dans le cadre d’une procédure mise en œuvre dans l’urgence.
Nous, membres du département de Sociologie de l’UFR L SHS de l’UBO, dénonçons la loi ORE et nous refusons de contribuer au traitement des « dossiers lycéens » (procédure ParcourSup) et toute tâche y afférant.
- Motion du Conseil de département de Sciences Sociales, Université Paris 7, 23 février 2018
La loi « orientation et réussite des étudiants » (ORE), sous prétexte de mettre fin aux problèmes posés par la plate-forme APB instaure une nouvelle forme de sélection à l’université. Elle supprime ainsi la qualité du baccalauréat comme premier grade universitaire et le droit à des bacheliers à s’inscrire dans la filière universitaire de leur choix.
Chaque université devra classer les lycéens en fonction de critères locaux et qui ne seront pas plus lisibles que ceux d’APB, ce qui risque de renforcer les inégalités sociales et territoriales.
Les « attendus » des différentes filières servent alors de critères de sélection mais vont également décourager de nombreux lycéens avant même leur possible inscription, d’autant plus qu’ils s’accompagnent au moment des formulations des vœux, de la rédaction de « projets de formation motivés », autrement dit de lettres de motivation.
Cette sélection dissimule, ou répond sans le dire, aux problèmes posés par la faiblesse des capacités d’accueil, résultat de la décroissance des investissements nécessaires au bon fonctionnement des universités, alors qu’un amendement à la loi ORE propose de conditionner toute augmentation du nombre de places dans une filière aux taux de réussite et d'insertion professionnelle. A l'inverse, une formation dont les taux de réussite et d'insertion professionnelle sont faibles ou en diminution devrait connaître une réduction de ses capacités d'accueil.
Avec la réforme du lycée et du baccalauréat qui autonomise les établissements et va créer des diplômes aux valeurs différentes, cette nouvelle forme de sélection va accentuer les inégalités scolaires, les stratégies de placement des élèves les plus à l’aise avec l’institution scolaire, et amener les autres à s’autocensurer, les rendant incapables de mettre en œuvre les bonnes stratégies.
Dans les universités, les équipes pédagogiques et administratives sont censées inventer en quelques semaines des parcours de remise à niveau pour une partie des étudiants potentiellement sélectionnables. Nous souhaitons que des financements à hauteur des besoins soient mis à disposition pour les enseignements de licence, en particulier pour la première année afin de réduire l’échec et les décrochages des étudiant-e-s.
Par ailleurs, le travail des enseignants va considérablement changer puisqu’une partie de nos tâches va désormais être dédiée à l’examen de dossiers, au classement et à la sélection de postulants à l’université.
Face à cette réforme, nous réaffirmons :
- le principe fondamental de libre accès à l’enseignement supérieur, avec le maintien du baccalauréat comme diplôme national et premier grade universitaire, garantissant l’accès de tous les bacheliers sur tout le territoire aux filières post bac et aux établissements de leur choix ;
- le refus déterminé de la sélection instaurée par la loi ORE et de tout numerus clausus ;
Nous nous prononçons donc contre la loi sur le premier cycle post bac et du « plan étudiants » qui l’accompagne. Nous suggérons à nos collègues des autres départements et des autres UFR de prendre position en ce sens ainsi qu’à se réunir au sein de la communauté universitaire pour débattre des conséquences d’une telle réforme et des façons d’y faire face.
- Motion portée par des membres du laboratoire Sophiapol contre le dispositif de sélection à l'entrée à l'université
Nous, membres du laboratoire Sophiapol, tenons à exprimer notre opposition au projet de réforme des modalités d'entrée à l'université et à attirer votre attention sur la menace qu'il représente.
En l'état, les capacités d'accueil de l'université au niveau national sont depuis longtemps complètement dépassées et cette dernière devra absorber encore 40 000 élèves de plus à la rentrée prochaine ; le tirage au sort qui a frappé près d'1 % des étudiantes et des étudiants ne peut qu'apparaître injuste ; les milliers de postes d'enseignement dans le supérieur supprimés sur les dix dernières années s'accompagnent d'un manque de suivi des étudiant.e.s et accroît le tri social qui s'opère dès la première année de Licence.
Or, ce projet, loin de chercher à remédier aux difficultés rencontrées par les élèves issu.e.s des milieux les plus modestes, propose d'officialiser leur exclusion. La sélection des candidat.e.s sur la plateforme Parcoursup se fera notamment sur la base d'un CV, donc sur la base du lycée d'origine, du milieu social supposé, des activités périscolaires valorisables – on peut imaginer l'avantage que représenteront les cours de musique, les stages de langue, les ateliers de debating et autres chasses-gardées des familles les plus aisées. En amont, ce sont en outre les enseignantes et enseignants qui imposeront une sélection en émettant un avis sur les projets des élèves. La nécessité pour les élèves de devenir stratèges dès la seconde, de se projeter des années en avance dans le maquis des attendus des diverses filières pour espérer construire un parcours cohérent, suffira à opérer une formidable sélection selon le capital scolaire, entre manque de familiarité avec les arcanes de l'institution et simple auto-censure. Celles et ceux qui auront les moyens matériels et symboliques de faire appel aux firmes de conseil scolaire pourront espérer se vendre et maximiser leurs chances de recrutement sur le marché de l'éducation.
Articulée à la réforme simultanée du lycée et du baccalauréat, qui accentuera la concurrence entre les établissements et l'individualisation des parcours scolaires, la loi Vidal conduira nécessairement à une reproduction des inégalités structurelles contre lesquelles nous avons l'ambition de lutter. Au lycée comme à l'université, la marchandisation du savoir transforme les élèves en auto-entrepreneurs d'eux-mêmes. Leur endettement et celui de leurs familles n'en srtira que renforcé, nous livrant, encore davantage, au pouvoir des banques et des établissements de crédits.
Par ailleurs, et c'est sans doute le paradoxe de cette réforme, le coût d'une telle exclusion des classes populaires est absolument considérable pour les établissements, lesquels ne disposeront pas de moyens supplémentaires pour la mettre en œuvre : les vœux n'étant plus hiérarchisés, chaque filière recevra des milliers de dossiers à examiner et classer, ajoutant au désarroi des personnels déjà en sous-effectif. Pour pallier ce manque de moyens, un algorithme applicable sur les bulletins de notes des élèves permettant leur pondération en fonction des établissements d'origine a d'ailleurs d'ores et déjà été mis à disposition, entérinant ainsi un mode de sélection à même de réinstaurer et de creuser des inégalités sociales et territoriales.
Nous ne supportons pas de voir nos collègues, nos enseignants et enseignantes confronté.e.s à une tâche moralement et pratiquement impossible. Nous ne voulons pas non plus céder au cynisme et abandonner l'espoir d'ouvrir l'université, le savoir et les armes de la critique à toutes et tous.
C'est pourquoi nous participerons aux mobilisations en cours contre cette réforme – et solidairement contre celles du lycée et du baccalauréat – ainsi qu'aux réunions organisées à ce sujet à l'Université Paris Nanterre.
[Motion préparée sur la base du communiqué des étudiant.e.s et doctorant.e.s de philosophie de l'Université Paris Nanterre]
- Motion du département de sociologie de l’université d’Evry Paris-Saclay, 9 février 2018
Nous, enseignant(e)s-chercheur(e)s du département de sociologie de l’université d’Evry Paris-Saclay, nous sommes réuni(e)s pour affirmer notre opposition totale à la réforme en cours « Parcoursup ».
Attaché(e)s au service public d’enseignement supérieur et à une université accessible à toutes et à tous, nous refusons la sélection sociale que cache ce dispositif. Cette réforme, sous prétexte d’organiser un soutien aux étudiants les plus en difficulté et d’amélioration de leur orientation, est en réalité un outil de plus de « gestion des flux d’étudiants » pour réguler l’accroissement récent des effectifs et une nouvelle usine à gaz bureaucratique. Derrière un tel dispositif se concrétise l’idée inacceptable que l’université ne pourrait accueillir toutes les personnes qui le souhaitent, faute de moyens financiers.
Nous réaffirmons que la baccalauréat doit demeurer le seul critère d'accession à l'enseignement supérieur. L'aide aux étudiants en difficulté est évidemment une nécessité absolue, qui est déjà pratiquée dans nos établissements. Cette aide ne peut être ciblée a priori, mais doit concerner les étudiant(e)s inscrit(e)s identifié(e)s par les enseignants à qui il revient de saisir clairement les besoins et de construire des dispositifs dont l’efficacité ne peut être réelle à moyens constants.
Enfin, la lutte contre la réforme « Parcoursup » a lieu dans un contexte de restructuration du système universitaire français qui voit se créer des mégafusions. Dotés d’objectifs d’ « excellence » pour briller dans les classements internationaux, ces nouveaux pôles universitaires reproduisent et aggravent en leur sein des pratiques concurrentielles, sélectives et discriminatoires, en envisageant comme c’est le cas pour l’université Paris-Saclay, des licences hiérarchisées selon le niveau des étudiants (excellence / généraliste / professionnalisante) ou bien encore des masters dits « d’excellence ».
« Parcoursup » est donc symptomatique d’une tendance plus globale d’exclusion et d’élitisme qui tend à s’imposer dans tous les domaines (recherche comme formation) quelles que soient les filières et les disciplines, et à laquelle nous disons NON.