Les nouveaux programmes aseptisés de SES dévoilés par l’Apses
Adieu classes sociales et enjeux contemporains ! Reçue par le Conseil supérieur des programmes, l’Association des professeurs de SES (Apses) a du se contenter d’une présentation orale des futurs programmes. Les nouveaux programmes opèrent un net recadrage des contenus enseignés dans le sens d’un renforcement de la micro-économie et de la nette séparation entre économie et sociologie, bloquant tous débats de société.
Des disciplines bien séparées
D’après les notes prises par l’Apses, les nouveaux programmes restent très chargés d’autant que les SES entrent dans le socle commun en 2de mais à hauteur d’1h30 et ne sont plus qu’une spécialité à 4 heures en 1ère eu lieu des 5h actuelles. Le programme de terminale n’est toujours pas connu.
En 2de, le programme s’ouvre par une présentation de ce qu’est l’économie, la sociologie et la science politique et des démarches de ces trois sciences. Le second chapitre est consacré à la création des richesses : combinaison productive, indicateurs, tendances mondiales du PIB. Le troisième chapitre reste sur l’économie et porte sur la fixation des prix : détermination du prix d’équilibre, effet d’une taxe ou subvention. La sociologie entre au chapitre 4 avec les processus de socialisation. Le chapitre 5 concerne l’organisation de la vie politique : les institutions politiques, les modes de scrutin etc. Le dernier chapitre propose un regard croisé sur le lien diplôme, emploi et salaire. Or la particularité historique des SES était justement d’aborder des questions sous un angle pluridisciplinaire permettant le débat.
L’invasion de la micro économie
En première, le programme comporte 12 chapitre dont 5 d’économie, 3 de sociologie et 2 de science politique. En économie sont abordés le fonctionnement du marché (chap.1) suivi du fonctionnement des marchés imparfaitement concurrentiels (chap.2) puis des défaillances du marché (chap3). Les deux chapitres suivants concernent les agents économiques et leur financement et la monnaie. En sociologie sont abordés la socialisation, la construction du lien social et la déviance. En science politique : la formation de l’opinion publique et le vote. Deux chapitres seulement croisent les disciplines : un chapitre sur l’assurance sociale et al gestion du risque et un autre sur le gouvernement des entreprises.
Les contre propositions de l’Apses
L’Apses déplore la séparation disciplinaire dans la plupart des chapitres. Elle estime que les programmes restent trop lourds. Surtout elle en dénonce les contenus. » la place de la micro-économie est excessive par rapport à celle de la macroéconomie, qui paraît anecdotique. La vision de l’économie qui est proposée aux élèves parle bien trop peu du rôle des institutions et des politiques publiques, et l’approche choisie est à plusieurs endroits trop techniciste et ardue pour des élèves ».
Des notions basiques sont retirées des programmes et l’Apses déplore » la disparition de la notion de catégorie socio-professionnelle ou le recul du raisonnement en termes de groupes sociaux… Dans de nombreux chapitres, les questions proposées sont souvent très descriptives et trop peu problématisées, et paraissent trop éloignées des enjeux contemporains et des débats de société qu’elles permettent pourtant d’éclairer (l’économie de marché, l’environnement, le chômage, les inégalités, la fiscalité, etc.) ».
L’oeuvre d’un lobby
Pour l’Apses, » Sur les 2 années de seconde et première, avec ces projets de programme, les élèves n’auraient que peu entendu parler de revenus, consommation, inégalités, chômage, travail, budget de l’Etat, environnement, groupes et réseaux sociaux, redistribution, alors même que les modèles stylisés du marché auront occupé 4 chapitres. On peut interpréter ce déséquilibre comme un manque de pluralisme théorique ou comme une interrogation insuffisante du monde dans lequel évoluent les élèves ».
En 2017 l’Académie des sciences morales et politiques a jugé l’enseignement des SES « néfaste » et exigé une mise au pas. Avec la bénédiction de JM BLanquer , qui a donné des directives en ce sens, ce lobby est puissamment représenté au sein du groupe de travail du CSP. Ses prises de position se retrouvent dans les futurs programmes qui apparaissent en rupture avec la culture disciplinaire. L’Apses, qui compte dans ses membres un enseignant de SES sur deux, propose de nombreux amendements à ces programmes, y compris des amendements assez fondamentaux. Le ministère aurait tort de ne pas les prendre en compte.
F Jarraud
A lire ici :