Tribune transnationale en solidarité avec Pinar Selek
La semaine de solidarité s'achève avec la publication conjointe d'une tribune (en français, ci-dessous) hier (en ligne) et aujourd'hui (papier) dans Libération (France), Les Grenades de la RTBF (Belgique), Le Courrier (Suisse), ND (Allemagne), Pressenza (Italie), signée, internationalement, par des intellectuel.les.
Liberté d’expression : jusqu’à son acquittement définitif par la justice turque, nous serons aux côtés de la sociologue Pinar Selek
La sociologue spécialiste de la résistance kurde et exilée en France sera jugée le 28 juin en son absence à Istanbul pour la cinquième fois. Son cas est exemplaire de la répression croissante de la liberté d’expression et de recherche menée par les régimes autoritaires, rappelle un collectif d’ intellectuel.les comprenant Asli Erdogan, Annie Ernaux et Angela Davis.
Le 28 juin, Pinar Selek sera jugée pour la cinquième fois par l’Etat turc. Il y a vingt-six ans, en Turquie, Pinar Selek a été arrêtée pour sa recherche sur la résistance kurde. Conformément à l’éthique professionnelle sociologique, elle refuse de livrer l’identité des interviewés : elle est torturée et maintenue en détention. Elle apprend en prison qu’elle est accusée d’un «attentat» survenu sur le marché aux épices d’Istanbul – il s’agit en vérité d’une explosion de gaz accidentelle. Elle reste près de deux ans en prison.
Elle est acquittée une première fois en 2006, mais le parquet fait appel. L’acharnement judiciaire commence avec sa valse de procès débouchant toujours sur des acquittements, faute de preuve. Mais ceux-ci sont cassés et entraînent un nouveau jugement… Malgré tout, Pinar Selek poursuit ses travaux de recherche, d’écriture, ainsi que ses engagements au cœur des mouvements sociaux, s’organisant dans les collectifs féministes et LGBT+ et menant de grandes actions antimilitaristes.
En 2008, elle doit se résoudre à l’exil. Elle enseigne aujourd’hui la sociologie à l’université en France et continue de mener ses activités professionnelles et militantes en dépit de la menace constante que font peser sur elle le pouvoir et les fascistes turcs, y compris sur le sol français.
Comme pour des centaines de prisonnières et prisonniers politiques, le gouvernement turc utilise son cas comme un exemple pour tenter de faire taire toutes les voix dissidentes et les alternatives politiques. Le 28 juin prochain, elle sera à nouveau jugée et risque la prison à vie.
Solidarité transnationale
Au niveau mondial, nous assistons au renforcement d’une droite autoritaire, aux menaces qui pèsent sur la liberté d’expression et de recherche, et à la répression accrue des mouvements civils. Nous voyons comment les Etats, les multinationales et les élites sont complices dans la défense de leurs intérêts face à la pauvreté de masse, au chaos climatique et aux massacres. Cette sombre conjoncture mondiale met en évidence le rôle clé des défenseurs et défenseuses des droits fondamentaux, le contre-pouvoir des sociétés civiles et des mouvements sociaux. Dans ce contexte, peut-être plus que jamais, nos luttes et nos analyses doivent s’enraciner dans la solidarité transnationale.
Pinar Selek utilise sans relâche ses compétences pour la justice, la liberté et l’égalité. C’est pourquoi, malgré la multitude de contextes différents dans lesquels nous vivons et luttons, nous reconnaissons que nous faisons partie d’un même mouvement, et que l’issue de ce procès déterminera le terrain politique dans lequel nous évoluerons à l’avenir.
Nous appelons à nous tenir fermement aux côtés de Pinar Selek le 28 juin, à Istanbul et ailleurs, et à rejoindre la campagne transnationale pour son acquittement définitif, dans un effort de libération collective.
Justice et liberté pour Pinar Selek, justice et liberté pour toutes et tous. Jin, Jiyan, Azadî (1).
Signataires : Angela Davis, Rokhaya Diallo, Adèle Haenel, Judith Bulter, Annie Ernaux, Esquivel Adolfo Pérez, Asli Erdogan, Elsa Dorlin, Souad Labbize, Isabelle Stengers, Rigoberta Menchú Tum, Carola Rackette, Isabelle Cambourakis, Sepideh Farsi, Tal Madesta, Michael Löwy, Johanna Makabi, Sarah Durocher, Inès Léraud et de nombreux/nombreuses autres... (liste complète ici)
(1) «Femme, vie, liberté», en kurde. Ce slogan des femmes kurdes résonne aujourd’hui dans la révolution féministe iranienne, et à travers le monde.
Article complet en ligne : https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/liberte-dexpression-jusqua-son-acquittement-definitif-par-la-justice-turque-nous-serons-aux-cotes-de-la-sociologue-pinar-selek-20240616_XVKXD3AEGNAM3MACKL7OEJMZH4/