Profession : sociologue

Organisations professionnelles, normes et pratiques de la sociologue en France et ailleurs.

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Un feuilleton radiophonique chez les sociologues

Parce qu’il se déroule à la fac, que son héroïne est une doctorante en sociologie, et qu’on y parle de l’utilité des SHS dans la transformation sociale, je me permets de signaler sur cette liste l’excellent feuilleton radiophonique « L’apocalypse est notre chance », de Sylvie Coquart-Moral et Sophie Maurer, diffusé sur France Culture et disponible dans tous les bons lecteurs de podcasts…

https://www.franceculture.fr/emissions/fictions-le-feuilleton/lapocalypse-est-notre-chance-de-sylvie-coquart-morel-et-sophie-0

Bonne écoute!

Hommage à Colette Guillaumin

Colette Guillaumin nous a quittés le 10 mai 2017. Maryse Tripier, co-fondatrice de l’Urmis, présente son rôle dans la création du laboratoire et dans le champ des recherches sur le racisme et le sexisme :

« Colette Guillaumin a intégré l’URMIS à sa création par le CNRS en 1995. Elle y a animé des colloques et des séminaires, notamment sur l’analogie entre sexisme et racisme, et sur la méthode d’observation "en direct", sans dispositif particulier, pour recenser les gestes, les propos et les pratiques "ordinaires" signifiantes de ces rapports sociaux de domination banalisés. Son œuvre a révolutionné l’approche du racisme, elle a influencé de nombreux chercheurs dans et hors l’Urmis. Après sa retraite, elle a choisi de ne plus participer à des manifestations collectives. Son œuvre est présentée dans tous nos enseignements sur le racisme et les relations interethniques à Paris Diderot et à Nice. » Notre collègue Véronique De Rudder avait rédigé la notice biographique de Colette Guillaumin dans Le dictionnaire universel des créatrices, Éditions des femmes, sous la direction d’Antoinette Fouque (2013) : « GUILLAUMIN Colette, sociologue française (1934- Colette Guillaumin a été l’une des premières sociologues françaises à travailler sur le racisme auquel elle consacre sa thèse, publiée en 1972. Dès la fin des années 1970, elle poursuit parallèlement des recherches sur les rapports sociaux de sexe. Entrée au CNRS en 1963, elle y travaille de façon autonome ou dans le groupe informel intitulé « Laboratoire de sociologie de la dominance » à un élargissement des perspectives des sciences sociales en matière d’inégalité et de conflictualité. Elle œuvre, en particulier, à dépasser le cadre étroit du marxisme traditionnel, limité au mode de production capitaliste et aux rapports d’exploitation stricto sensu en s’attachant à l’analyse des rapports de pouvoir Elle entre en 1981 au comité de rédaction de la revue Questions féministes, organe des « féministes matérialistes » fondé en 1977 avec le soutien de Simone de Beauvoir. Elle participe donc, avec notamment Christine Delphy*, Nicole-Claude Mathieu, Monique Wittig, Colette Capitan, à la formation, en France, de ce courant féministe constructiviste opposé aux courants différencialistes et essentialistes. En 1981 également, elle anime le séminaire de Léon Poliakov, et fonde avec Maurice Ollender et Albert Jacquart, la revue Le Genre Humain. Les travaux de Colette Guillaumin sur le racisme inversent la perspective classique en problématisant d’abord la notion de race elle-même, jusqu’alors considérée par les sciences sociales comme une catégorie concrète. En montrant que l’idée de race est le produit et non le support de l’idéologie raciste, elle la situe dans l’ordre de la construction symbolique de la vie sociale. La formation de l’idée moderne de « race » - profondément distincte des usages du terme dans l’Ancien Régime - apparaît avec le remplacement de la justification théocratique et religieuse de l’ordre social et des inégalités par la justification naturaliste et scientifique. L’idéologie raciste, dans cette perspective, se présente comme la face mentale de pratiques et de faits sociaux matériels, de telle sorte qu’y sont étroitement imbriquées les dimensions psychiques, intellectuelles et symboliques. Elle constitue « un système perceptif » essentialiste qui lie inextricablement - de façon « syncrétique » - les aspects physiques et psychologiques, la nature et la culture. La « race » se présente comme « une fatalité biologique » dont il est impossible de s’affranchir, la « conversion », soit le passage d’un groupe à l’autre, étant impraticable. Le sexisme se présente comme une autre forme des rapports de pouvoir construits sur l’idée de nature. Colette Guillaumin a proposé le terme de « sexage » (en référence au servage et à l’esclavage) pour désigner les formes spécifiques de l’oppression des femmes, à savoir l’appropriation collective de toute la classe des femmes par la classe des hommes (l’usage du corps des femmes est disponible à l’ensemble du groupe des hommes) doublée de l’appropriation privée par un individu (mari ou père). Le sexe, comme la « race » forment socialement des « essences » qui scellent le destin des groupes arbitrairement construits sur ces catégories. La « différence » produite dans et par l’inégalité des rapports sociaux est, dans les deux cas, « découverte » scientifiquement pour justifier cette inégalité. Les analyses de Colette Guillaumin portent donc sur la construction sociale de groupes réputés « naturels » et la fondation en « nature » des rapports de pouvoir entre ces groupes. « Sexe » et « race » sont ainsi des catégories résultant d’un processus historique et social de différenciation et de « naturalisation ». Ainsi s’établissent des rapports spécifiques de domination qui, s’ils comportent le plus souvent des relations d’exploitation, se caractérisent aussi par la réduction en dépendance, y compris corporelle, des personnes composant ces groupes.

Guillaumin, Colette, L’idéologie raciste. Genèse et langage actuel. Paris, La Haye, Mouton, 1972. (Réédition Gallimard, 2002)

Guillaumin, Collette, Sexe, race et pratiques de pouvoir. L’idée de nature. Paris, Côté femmes, 1992.